Page:Gourmont - Le IIme Livre des masques, 1898.djvu/83

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la lune ? Est-elle de là-haut ou d’en bas ? est-elle ange, ou femme, ou bête ? Celle que tu aimes, elle est chimère. Ah ! nous sommes de doux passe-temps, des façons de se consoler, d’attendre. Ton Antonia, je lui ressemble, alors tu veux de moi ! moi, j’ai sa chevelure… mais voici que la voisine a le son de sa voix ; et puis celle-là ce soir te représente un brin de ton rêve… Va, nous savons bien que tu nous méprises au fond véritable de ton cœur de fou. Abdique le rêve, homme ! sois époux et tu sauras si les femmes savent aimer constamment. Renonce le ciel ! nous sommes la terre ; nous ne pouvons appartenir au Chevalier du Cygne. » N’est-ce pas d’une bonne psychologie et la juste transposition par de petites phrases très simples, très nettes, de la secrète pensée des femmes qui est d’asservir l’homme tout en le servant ? La poésie comme la prose de M. Dujardin est toujours sage, prudente et calme ; s’il y a des écarts de langue, des essais de syntaxe un peu osés, la pensée est sûre, logique, raisonnable. Qu’on lise le deuxième Intermède de Pour la Vierge du roc ardent ; en quelques strophes aux rimes monotones, éteintes, le poète y dit toute la vie et tout le rêve de la jeune fille. C’est une entrée de ballet,