Page:Gourmont - Le Livre des masques, 1921.djvu/101

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son œuvre, que subissent et avec joie les meilleurs d’entre les écrivains et les artistes de l’heure actuelle : c’est qu’il a rouvert les portes de l’au-delà closes avec quel fracas, on s’en souvint, et par ces portes toute une génération s’est ruée vers l’infini. La hiérarchie ecclésiastique nombre parmi ses clercs, à côté des exorcistes, les portiers, ceux qui doivent ouvrir les portes du sanctuaire à toutes les bonnes volontés ; Villiers cumula pour nous ces deux fonctions : il fut l’exorciste du réel et le portier de l’idéal.

Complexe, mais on peut le voir un double esprit. Il y avait en lui deux écrivains essentiellement dissemblables : le romantique et l’ironiste. Le romantique naquit le premier et mourut le dernier : Elën et Morgane ; Akédysséril et Axël. Le Villiers ironiste, l’auteur des Contes cruels et de Tribulat Bonhomet est intermédiaire entre les deux phases romantiques ; l’Ève future représenterait comme un mélange de ces deux tendances si diverses, car ce livre d’une écrasante ironie est aussi un livre d’amour.

Villiers se réalisa donc à la fois par le rêve et par l’ironie, ironisant son rêve, quand la vie le dégoûtait même du rêve. Nul ne fut plus sub-