Page:Gourmont - Le Livre des masques, 1921.djvu/102

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jectif. Ses personnages sont créés avec des parcelles de son âme, élevées, ainsi que selon un mystère, à l’état d’âmes authentiques et totales. Si c’est un dialogue, il fera proférer à tel personnage des philosophies bien au-dessus de sa normale intelligence des choses. Dans Axël, l’abbesse parlera de l’enfer comme Villiers aurait pu parler de l’hégélianisme, dont vers la fin il enseignait les déceptions, après en avoir accepté, d’abord, les larges certitudes : « C’en est fait ! L’enfant éprouve déjà le ravissement et les enivrances de l’Enfer. » Il les éprouva : il aimait, en baudelairien, le blasphème, pour ses occultes effets, le risque immense d’un plaisir qui se prend aux dépens de Dieu même. Le sacrilège est en actes ; le blasphème en mots. Il croyait davantage aux mots qu’aux réalités, qui ne sont, d’ailleurs, que l’ombre tangible des mots, car il est bien évident, et par un très simple syllogisme, que, s’il n’y a pas de pensée en absence de verbe, il n’y a pas, non plus, de matière en absence de pensée. La puissance des mots, il l’admettait jusqu’à la superstition. Les seules corrections visibles du second au premier texte d’Axël, par exemple, consistent en l’adjonction