Page:Gourmont - Le Livre des masques, 1921.djvu/247

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sont enfin délivrés de telles affres ; tous les jours davantage il leur est permis d’avouer toute leur originalité ; loin de leur défendre de se mettre à nu, la critique les encourage à l’habit sommaire et franc du gymnosophiste : seulement quelques-uns le portent tatoué.

Et voici enfin la vraie querelle à faire à M. de Montesquiou : son originalité est tatouée excessivement. La beauté de cet aède rappelle, non sans mélancolie, les figurations compliquées dont se voulaient ornementés les anciens chefs australiens, mais en vérité il se pare avec un art moins ingénu ; il y a même un raffinement singulier dans les nuances et dans le dessin et des hardiesses amusantes de ton et de lignes. Il réussit l’arabesque mieux que la figure et la sensation mieux que la pensée. S’il pense, c’est comme les Japonais, par des signes idéographiques :


Poisson, grue, aigle, fleur, bambou qu’un oiseau ploie.
Tortue, iris, pivoine, anémone et moineaux.


Il aime ces juxtapositions de mots, et quand il les choisit, comme ceux-là, doux et vivants, le paysage qu’il veut s’évoque assez agréablement, mais souvent on ne voit, se découpant sur un ciel artificiel, que des formes inconnues