Page:Gourmont - Le Livre des masques, 1921.djvu/33

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jusqu’au fond des abîmes où tournoie « le cadavre décomposé de l’agneau d’Alladine », — et plus loin, jusque dans les obscures et pures régions où des amants disent : « Que tu m’embrasses gravement… — Ne ferme pas les yeux quand je t’embrasse ainsi… Je veux voir les baisers qui tremblent dans ton cœur ; et toute la rosée qui monte de ton âme… nous ne trouverons plus de baisers comme ceux-ci… — Toujours, toujours !… — Non, non : on ne s’embrasse pas deux fois sur le cœur de la mort… » À de si beaux soupirs toute objection devient muette ; on se tait d’avoir senti un nouveau mode d’aimer et de dire son amour. Nouveau, vraiment ; M. Maeterlinck est très lui-même, et pour rester entièrement personnel, il sait être monocorde : mais cette seule corde, il en a semé, roui, teillé le chanvre, et elle chante douce, triste et unique sous ses languissantes mains. Il a réussi une œuvre vraie ; il a trouvé un cri sourd inentendu, une sorte de gémissement frileusement mystique.

Mysticisme, ce mot a pris en ces dernières années tant de sens les plus divers et même divergents qu’il faudrait le définir à nouveau