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DEGAS



Cet homme qui ne s’est jamais laissé prendre à rien qu’à son art, qui est à la fois un grand peintre et un grand dédaigneux, est aussi l’un des hommes les plus cruellement spirituels de Paris et on ne sait pas si, en ce genre, il donnerait des leçons à M. Hébrard ou s’il en recevrait. C’est lui qui, visitant l’atelier d’un de ses confrères, J. P. L., disait, en se retirant et en désignant le pauvre aplomb d’un palais érigé sur une vaste toile par ce confrère, pourtant célèbre : « Prenez garde, ces pierres vont vous écraser, je me sauve, » ou quelque chose d’approchant. Il passe pour méchant, il n’est peut-être que perspicace, et il l’a trop montré. Parler de lui, faire son éloge, c’est se créer autant d’ennemis qu’il a persiflé de médiocres talents. Ce serait s’en créer beaucoup, car il est inépuisable en sarcasmes. Aussi rencontre-t-on rarement son nom dans les gazettes. Il s’en moque. Aussi bien, cela n’a-t-il pas empêché un de ses tableaux de monter aux environs d’un demi-million,