Page:Gourmont - Le Puits de la vérité, 1922.djvu/118

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’autre jour, lors des enchères de la collection Rouart. Degas est le Chardin ou le Rembrandt du foyer de la danse. On ne peut imaginer des sujets plus artificiels et une peinture plus naturelle. Et quelles couleurs ! Je me souviens d’une danseuse entrant en scène, vue de l’orchestre, qui m’est restée dans les yeux comme une fleur de rêve, comme un gros papillon des tropiques, dont elle avait l’éclat et la riche sobriété. Les tableaux de Degas me font un peu l’effet des beaux poèmes de Mallarmé, dont ils ont le mystère extérieur et la vie intérieure. Ce ne sont jamais que des tableaux de genre, mais d’un genre si renouvelé, si inattendu, si frappant, d’une telle maîtrise technique, d’une telle poésie et, en même temps, d’un sens si aigu du réel ! Le demi-million ne m’étonne pas plus qu’il n’a ébloui Degas. Je ne l’ai vu qu’une fois, chez Gauguin, qui partait pour Tahiti. C’était un petit homme alerte, quoique âgé déjà. Je suis content de l’avoir vu.


_______