Page:Gourmont - Lettres à Sixtine, 1921.djvu/194

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Puis c’est l’orgueil qui clôt la bouche, arrête les gestes, met une barrière momentanée entre deux êtres qui ne vivent bien qu’au contact l’un de l’autre.

Tout cela est nécessité : là où il y a vie, il y a sensibilité, il y a joie, il y a souffrance et d’autant plus que le tissu vivant est plus délicat, plus plein de nerfs.

Et des paroles, encore qu’elles ne soient point pensées, encore que celui qui les reçoit sache qu’elles ne sont pas pensées, des paroles peuvent blesser, parce que le mal est fait avant que le raisonnement ait eu le temps de l’arrêter.

Les paroles sont terribles, les paroles sont précieuses : l’homme s’attache par la parole. Un mot où se décèle la vivacité d’un sentiment a beaucoup de pouvoir. Là est la force de l’aveu articulé, plus fort même que les actes, car il implique une plus grande domination subie et avouée,