Page:Gourmont - Lettres à Sixtine, 1921.djvu/48

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Puis, brusquement, un soir, je vois clair. Elle me joue du Beethoven et je me cramponne au fauteuil pour ne pas la saisir et la baiser à pleine bouche. Je souffre, il n’y paraît rien.

C’est fini. Je l’aime. Le dirai-je jamais ? Je décide que non, persuadé d’être reçu froidement, avec cette ironie qui me glace.

Un soir, comme je la quitte, sa main reste dans la mienne. Il y a un pas de fait, j’irai jusqu’au bout.

Trouvé le Vigny.

Quelles heures douces à l’écouter me lire ces vers. Sa voix n’a aucune émotion, je doute. Cela n’a été qu’un abandon momentané.

Je parle. Un mot. On ne me repousse pas..

Le lendemain, nos têtes se frôlent. Je ne pense qu’à un baiser avant de partir. Le livre tombe. Elle est dans mes bras. C’est une sensation de bonheur telle que j’aurais pu m’en évanouir. Elle m’aime.