Page:Gourmont - Lettres à Sixtine, 1921.djvu/65

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vie ; et, en échange, n’avez-vous pas bu, aussi, sur les miennes, jusqu’à la dernière goutte, toute ma vie épandue vers vous ?

De tels moments, adoucis encore à distance, dans le souvenir, par l’apaisement de la chair, suffiraient pour effacer de l’existence les douleurs passées, les amertumes futures. Si nous n’avions que cela, mon amie, notre part serait belle encore et privilégiée. — Comme vous avez bien dompté mon orgueil d’homme, de me faire trouver douce l’abdication des droits que me donne votre tendresse. Me suis-je pas remis entre vos mains, disant que vous seriez juge de l’heure, que je ne veux rien tenir que de votre absolue liberté. C’est à cela, et cela seul, que je dois tendre ; écarter tout ce qui, de mon côté, nous sépare, comme vous, puisque le but est unique et que nous ne pouvons souffrir que de vils obstacles entravent notre bonheur et notre définitive union.