Page:Gourmont - Muses d’aujourd’hui, 1910, 3e éd.djvu/135

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versité. La poétesse chante comme pour endormir une peine profonde : elle écoute sa propre voix ou celle de son amante :

Parle-moi de ta voix pareille à l’eau courante,
Lorsque s’est ralenti le souffle des aveux,
… Ô mon harmonieuse et musicale amante !
… Car, si tu t’arrêtais, ne fût-ce qu’un moment
J’entendrais… j’entendrais au profond du silence
Quelque chose d’affreux qui pleure horriblement.

C’est que, décidément, ces tendresses, ces caresses, pourtant douces comme des cous de cygnes, ne lui semblent être que l’ombre des joies qu’elle rêve : alors, tout se fait amertume, et c’est dans cette amère perversité que la Muse trouvera son bonheur. Voici un petit poème : Victoire, qui caractérise bien cette inspiration baudelairienne, quoique sur un mode mineur, et féminisée.