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muses d’aujourd’hui

et se répandre sur la nature. Exaspération de la féminité ; frénésie de la sensualité :

Je prendrai le beau temps avec des mains hâlées,
Je mangerai l’été comme un gâteau de miel !

Il faut bien dire que l’accumulation de ces métaphores devient du procédé : il suffit d’appliquer aux arbres les mots de tendresse et de désir qui se disent dans l’amour. Mme de Noailles, qui a inauguré ce genre de métaphores, les réussit très bien aussi. Mais cette constatation ne nous empêchera pas de goûter à la beauté de ces vers de Mme Delarue-Mardrud :

Été ! j’ai empoigné ta grande chevelure
Pour la mordre, pour m’y coucher, pour m’y cacher ;
Ma bouche que j’entr’ouvre au vent est toute pleine
Des fleurs et des moissons qui chargent ton haleine ;
Je mets mes yeux ardents dans les étangs profonds
Qui sont ton regard trouble ouvert parmi les joncs ;
J’entends chanter ta voix multiple dans les gorges
Des animaux et des oiseaux dont tu regorges,