baisserais pas pour les ramasser, faute d’avoir quelqu’un à qui les offrir[1]. »
En ces quelques lignes, et sans le savoir, Mérimée esquisse la véritable psychologie de l’amateur. L’artiste passionné, le savant foncier n’ont pas besoin, pour s’intéresser à la vie, à la pensée, d’avoir un but autre que le travail même, que l’œuvre dont ils s’occupent. Comme il y a l’art pour l’art, il y a la science pour la science, la pensée pour la pensée. L’amateur ne saurait aller jusque-là, ni s’abstraire aussi rigoureusement de la réalité sociale ou sentimentale. Sans doute, il aime ce qu’il fait, mais il l’aime parce qu’il espère que cela plaira, que cela aura du succès, soit près du public, soit près d’un groupe d’amis, ou d’une femme. L’amateur ne cueille pas une fleur, parce qu’elle est jolie ou parfumée ; cela ne suffirait pas à lui faire allonger la main ; il la cueille, comme disait Mérimée, pour l’offrir. L’artiste est égoïste. On en connut même d’assez jaloux pour cacher leurs œuvres, pour fuir les applaudissements avec autant de soin que d’autres mettent à les provoquer. Ce n’est que par des indiscrétions, qui d’ailleurs le choquaient, que quel-
- ↑ Cité par Hugues Rebell, Les Inspiratrices, p. 189.