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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér1, 1922.djvu/124

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On voulait s’amuser, avoir un autographe de l’homme célèbre, peut-être le mystifier un peu, mais le véritable résultat fut de donner à Mérimée une amie qui, quoique un peu fantasque, lui fut jusqu’à la fin fidèle et affectueuse.

Ainsi sa destinée s’acheva logiquement, et c’est une femme qui lui dicta sa dernière œuvre, la meilleure, celle qu’il avait écrite sans se douter qu’elle deviendrait un livre, ces Lettres à une inconnue, qui sont parmi les plus délicieuses de la littérature française.

Car, que Mérimée ait été un amateur, cela ne diminue son mérite que devant les pédants. Son œuvre littéraire est peu solide, mais sa correspondance sera toujours, en même temps qu’une très agréable lecture, une source importante pour l’histoire des mœurs privées et publiques, au xixe siècle. Il reste aussi de Mérimée, l’exemple de sa vie, qui fut celle d’un homme habile à rester libre et indépendant au milieu des servitudes sociales les plus étroites. C’est assurément l’un des représentants les plus remarquables de l’ancien type français, tel qu’il abondait au temps de Voltaire ; il est devenu rare.

1903.