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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér1, 1922.djvu/125

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UN HOMME QUI PENSE


Depuis, et avant La Rochefoucauld, il y a dans tous les pays, mais surtout en France, des hommes qui font profession de penser, c’est-à-dire de publier des « pensées ». J’écris le nom de La Rochefoucauld, parce que c’est lui qui a donné au genre sa plus haute valeur littéraire et philosophique. Il n’a point, d’ailleurs, prétendu rédiger des pensées, mais bien des maximes et des réflexions morales. Le mot « pensées » est plus récent. Il appartient à Joubert, l’ami de Chateaubriand. Joubert passa sa vie à penser, comme d’autres passent leur vie à vivre. Il était beaucoup plus capable de penser que de vivre ; il ne vivait qu’en pensée. Les Pensées de Joubert et les Maximes de La Rochefoucauld sont les deux bréviaires des penseurs contemporains et, à vrai dire, il est peu de pensées, soi-disant nouvelles, qui ne se trouvent dans l’uni ou l’autre de ces petits livres. Presque toutes celles que l’on n’y