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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér1, 1922.djvu/153

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amour de la solitude, des sommets et des profondeurs.

En véritable impératrice, digue de cet état, rien de moyen ou d’ordinaire ne peut la contenter. Pour ses plus longues promenades, elle choisit l’hiver et des temps de vent et de neige fondue. Et cela, afin d’avoir un plaisir qui eût révolté les autres sensibilités : « Pour moi, c’est le temps que j’aime le mieux. Car il n’est pas fait pour les autres. Je puis en jouir seule. En vérité, il n’est là que pour moi…[1]. » Au dédain se joint l’orgueil, son compagnon sérieux, mais souriant. Elle a conscience qu’à une nature privilégiée, devenue unique par le rejet de tout ce qui la reliait au commun monde des hommes, à une telle âme et à ce corps toujours divin, il faut des sensations inattendues, des fêtes dont la joie épouvante les êtres craintifs ou de nervosité banale.

Ici la recherche du rare exclut l’idée de surpren » dre et de plaire, qui se retrouve, but de presque toutes les excentricités féminines. Et le mot même d’excentricité, s’il venait à l’esprit, devrait être restauré selon son sens normal et primitif. Il s’agit

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