Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér1, 1922.djvu/231

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Et qu’importent les maux et les heures démentes,
Et les cuves de vice où la cité fermente,
Si quelque jour, du fond des brouillards et des voiles,
Surgit un nouveau Christ, en lumière sculpté,
Qui soulève vers lui l’humanité
Et la baptise au feu de nouvelles étoiles.


On comprend très bien que cette pièce ardente et convaincue aille au cœur de ceux qui croient au bonheur futur de l’humanité. Ils trouvent là leur rêve exprimé en beaux vers qui entrent facilement dans la mémoire. Quelle distance entre cette poésie et la vulgaire « poésie sociale » que l’on essaya de fabriquer pour le peuple !

C’est le même esprit, cependant, le même souci d’exalter les humbles, de les poser en créatures de l’avenir. Mais la beauté du vers fait oublier ce que cette conception a de puéril, et en même temps de dangereux. On lit dans ce poème, intitulé l’Âme de la Ville :

Ô les siècles et les siècles sur cette ville !
Le rêve ancien est mort et le nouveau se forge.
Il est fumant dans la pensée et la sueur
Des bras fiers de travail, des fronts fiers de lueurs
Et la ville l’entend monter du fond des gorges
De ceux qui le portent en eux
Et le veulent crier et sangloter aux cieux.