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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér1, 1922.djvu/242

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dans ces pag es de passion des motifs de rêverie douloureuse et douce ! Mais qui leur lira ces vers ? Oui leur apprendra que l’émotion, même religieuse, est humiliante, lorsqu’on la demande aux littératures sans art et sans beauté ?

Faites, Seigneur, miséricorde à ma faiblesse,
À cette toute faiblesse des pauvres âmes
Qui n’ont pleuré que pour la chair tiède des femmes.
Que je souffre, Seigneur, des ronces qui vous blessent…

Tout le morceau n’est pas de ce ton, malheureusement, et le poète a raison de craindre que sa prière même n’inquiète les vierges ; mais il a des parties très pures et, jusqu’aux deux dernières strophes qui rompent l’illusion, il est admirable.

En somme, M. Charles Guérin est un des trois ou quatre poètes véritables de la deuxième génération du Symbolisme, et je le trouve d’abord égal au meilleur, à celui qu’on voudra, de ces trois ou quatre. Après cela, et sa valeur n’étant plus contestée, on pourrait dire quelques paroles encore et affirmer qu’il a déjà donné dans son œuvre et surtout dans le Cœur solitaire, les preuves d’un talent qui peut monter très haut. Il y a encore de la rhétorique en ces poèmes d’une sincérité douloureuse ; il y a encore du passé ; il y a encore des