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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér1, 1922.djvu/296

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naturel, abandonnant la nature, s’était soumis, par lâcheté ou paresse, à des lois qui l’avaient corrompu. Admirable, à l’état naturel, l’homme était devenu hideux, à Tétat social. Mais le mal n’était pas sans remède. Il fallait revenir à la nature.

Il n’est pas très difficile de savoir ce qu’était, dans l’esprit vague et sentimental de Rousseau, cet état de nature. On retrouve immédiatement la source de cette conception fantastique dans la croyance au paradis terrestre. L’homme naturel vient de la Bible : mais non directement, cependant ; il a passé par le Paradis perdu de Milton.

« Dans leurs regards divins brillait l’image de leur glorieux auteur, avec la vérité, la sagesse, la sainteté sévère et pure… Lui, formé pour la contemplation et le courage. Elle, pour la mollesse et la douce grâce séduisante… Le beau large front de l’homme et son œil sublime déclaraient sa suprême puissance ; ses cheveux d’hyacinthe, partagés autour de son front, pendent en grappes d’une manière mâle, mais non au-dessous de ses larges épaules. La femme porte comme un voile sa chevelure d’or qui descend éparse et sans ornement jusqu’à sa ceinture déliée ; ses tresses roulent en capricieux anneaux, comme la vigne replie ses attaches…