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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér1, 1922.djvu/297

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Ainsi, en se tenant par la main, passait le plus charmant couple qui s’unit jamais depuis dans les embrassements de l’amour[1]… »

Tout ce que le dix-huitième siècle français a dit de l’homme et de la femme naturels n’est qu’une amplification, très souvent absurde, des beaux vers de Milton. Cependant, on vient de publier un opuscule inédit où l’on peut relever quelques traits nouveaux, ajoutés au portrait traditionnel. Il a pour auteur Choderlos de Laclos et pour titre De l’éducation des Femmes[2]. Laclos est excessivement connu par ses Liaisons dangereuses, roman qui, après avoir passé pour très immoral, pourrait bien finir par être considéré, malgré quelques traits fort hardis, comme presque trop moral. Que Laclos, du moins, ait eu la prétention d’être un moraliste, c’est ce que ses écrits, jusqu’alors inédits, sur les femmes, mettent hors de doute. C’était un disciple fervent et presque fanatique de Rousseau ; à l’imitation de son maître, il prêche le retour à la nature. Cela fait que les Liaisons apparaissent de plus en plus comme un roman inachevé. Il y manque certainement une seconde partie, où nous aurions vu, après les désor-

  1. Traduction de Chateaubriand.
  2. Publié par Edouard Champion. Paris, chez A. Messein, in-18.