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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér1, 1922.djvu/321

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des morceaux admirables. » Assurément celui qui, ayant lu Shakespeare, le juge ainsi, c’est qu’il ne l’a ni compris, ni senti. Mais il fallait un commencement et le jugement de Voltaire fut ce commencement. Shakespeare fut toujours pour Voltaire une énigme qu’il essayait en vain de déchiffrer. Il a imité Hamlet dans Eriphyle. Cette pauvre tragédie donne une idée de Shakespeare comme la version d’un écolier donne une idée d’Homère.

Jusqu’en 1745, Shakespeare ne fut qu’un mot, parfois un éloge, plus souvent une injure dans la littérature française. Cette année-là, le sieur de Laplace fit paraître le premier volume d’une collection intitulée le Théâtre anglais (Paris, 1745-1748, 8 vol.), recueil, encore utile aujourd’hui, des principales pièces de Shakespeare, de ses contemporains et de ses successeurs[1]. C’est là que Ducis fit connaissance avec Shakespeare, dont il devait faire de fâcheuses imitations : « Je n’entends point l’anglais, dit-il dans l’avertissement de son Hamlet, et j’ai osé faire paraître Hamlet sur la scène française. Tout le monde connaît le mérite du Théâtre anglois de M. de Laplace. C’est d’après cet ouvrage

  1. Un sieur Patey donna une suite à cette collection avec son Choix de petites pièces du Théâtre anglois (1751).