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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér1, 1922.djvu/337

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philosophique. Esprit très logique, il a été choqué de la thèse de M. Barrès, en tant que thèse absolue. Il reconnaît que le déracinement est défavorable aux natures faibles, qu’il est bon que la plupart des hommes vivent ou meurent là où ils sont nés ; mais il croit que la transplantation est heureuse pour les forts et qu’elle les fortifie encore.

Au cours d’une polémique à ce sujet, M. Charles Maurras, qui est pourtant, lui aussi, une intelligence de haute valeur, avait eu la malheureuse inspiration d’écrire : « M. Doumic, dans la Revue des Deux Mondes, admet la théorie des Déracinés, mais sous la réserve suivante : Le propre de l’éducation est d’arracher l’homme à son milieu formateur. Il faut qu’elle le déracine. C’est le sens étymologique du mot « élever ». « En quoi, ajoutait M. Maurras, ce professeur se moque de nous. M. Barrès n’aurait qu’à lui demander à quel moment un peuplier, si haut qu’il s’élève, peut être contraint au déracinement. » Il est dangereux, lorsque l’on n’est pas très familier avec les choses de la nature, avec les travaux de la campagne, d’appuyer une théorie sur des comparaisons champêtres, rurales, horticoles ou forestières. M. Gide l’a bien fait voir à M. Maurras et à M. Barrès lui-même.