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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér1, 1922.djvu/80

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comme à regret, la noblesse et les hauts désirs d’une âme murée dans la pudeur de sa jeunesse.

Quoique M. Mirbeau n’ait pas pris part à ce célèbre manifeste naturaliste, il faut absolument y joindre son nom. Il faisait partie du groupe, il avait promis son adhésion, et si on n’y lit aucune page de lui, c’est par suite d’un vulgaire malentendu. S’il a jamais regretté son absence, il a eu tort ; cela lui a valu de naviguer dans la vie littéraire en une plus grande liberté. Les écoles littéraires, favorables aux jeunes gens, sont nuisibles aux maturités.

Époque un peu sévère pour l’intelligence que l’époque naturaliste. La mode était de paraître bête comme la vie. On ne la jugeait pas, on la subissait. Des écrivains véritables, momentanément abrutis, racontaient l’existence en excluant du conte tout ce qui en fait l’intérêt, le charme, la beauté ou la grâce. M. Mirbeau, qui n’était décidément voué à aucun esclavage, s’écarta de cette littérature de manuel : il écrivit le Calvaire^ tant de fois imité, quelques récits dans le même ton de passion, acquérant en peu d’années une réputation qu’il devait, pendant longtemps, dédaigner d’accroître.

Dédain, ennui ou doute ? Doute. Vers l’an 1890,