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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér1, 1922.djvu/81

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Octave Mirbeau douta. Des paysag-es aperçus, des idées devinées troublèrent sa primitive vision de la vie et le cours tumultueux, mais jusque là sûr et limpide, de sa pensée. Douter de soi : accident terrible, mais qui n’arrive qu’aux âmes supérieures, à celles qui se meuvent inquiètes et douloureuses, à celles qui cherchent, avec une obstination candide, la triste et introuvable vérité. Occupation absurde, peut-être, mais tout de même noble, et l’une de celles qui permettent de ne pas rougir de vivre

Douter de soi, cela interrompt les carrières humaines ; cela ne diminue pas les hommes. Cette crise, qui détermine souvent une carrière nouvelle, est presque toujours salutaire aux tempéraments trop actifs, trop directs ; elle coupe la grande route et force à prendre d’heureux chemins de traverse. C’est ce qui advint à M. Mirbeau. Abandonnant les promesses de ses jeunes beaux arbres, il voyagea comme nous l’avons déjà expliqué : explorateur, missionnaire et même apôtre.

Sans doute on ne découvre pas un pays habité ; il y a apparence que les habitants l’ont découvert d’abord. Cependant c’est un grand bienfait pour les insulaires d’être enfin reliés au reste de l’humanité, d’acquérir la possibilité de lointaines et nouvelles