Aller au contenu

Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/114

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

che en batiste un peu plus blancs, entouré de Virgile, d’Horace, de Corneille, de Racine, de Rousseau, qui pêche à la ligne un mot dans l’un et un mot dans l’autre, pour en composer ses vers qui ne sont que mosaïque[1]… »

La Harpe et Le Brun étaient alors deux grands hommes, mais la scène littéraire appartenait aussi aux Baculard, aux Genlis, aux Garat, aux Mouhy, aux Pils, aux Cailhava et même aux Grimod. Cela exaspérait Rivarol, homme de goût. Lui, dont le maître était Montesquieu, celui de l’Esprit des Lois aussi bien que celui des Lettres Persanes, il se sentait parfois rougir en lisant les éloges que se décernaient l’un à l’autre un Saint-Ange et un Ximénès. La poésie dont il venait de goûter î’àpreté dans l’Alighieri, dont Virgile et Racine lui avaient versé la douceur, il la voyait représentée par un Delille et, à sa suite, un Cubières ou un Sélis. Ce Sélis, auteur « de six gros volumes d’épîtres, de dédicaces et de bouquets[2] », n’avait-il pas eu l’audace, dans son prurit de tout louer, a depuis le cèdre jusqu’à l’hysope », d’écrire :

Nivernois au Parnasse est toujours duc et pair ?

Rivarol se fâcha. Mais sa fâcherie prit son tour

  1. Conversation de Rivarol notée par Chênedollé.
  2. Voyez le Petit Almanach.