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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/160

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mais l’importance de mon sujet fera peut-être oublier la supériorité de son talent[1]. Il n’a exhumé qu’un millier de bons écrits ; moi, je ressuscite un millier de grandes actions, et, à obscurité égale, le héros doit l’emporter sur l’écrivain. »

La liste des héros est des plus variées : on y voit Mitouflet à côté de Mirabeau, et l’abbé Noël près du duc d’Orléans. Voici Brevet de Baujour, secrétaire de l’Assemblée nationale : « On l’a soupçonné de n’être parvenu à tant d’honneur qu’en contrefaisant la médiocrité ; mais jamais soupçon ne fut plus injuste, ni déguisement plus inutile. M. Brevet est arrivé naturellement à tout, et il n’a eu besoin que de se faire connaître pour désarmer l’envie. » Voici De Croix : « Un des muets de l’Assemblée nationale : mais la nation est sûre de lui. Il est dévoué à la bonne cause, il se lève pour la bonne cause, il reste assis pour la bonne cause, il tape du pied pour la bonne cause, et il ne se tait même que pour une bonne cause. » Voici Demeunier, « un de ces hommes dont la révolution a décidé le genre ; sous le signe du despotisme, il traduisait modestement des gazettes, et ne prévoyait pas qu’un jour il aurait des idées… » Ce Demeunier n’est-il pas éternel et le type même de ces politiques de tous les partis qui

  1. Avant 1797, Rivarol n’a jamais sigué aucun de ses ouvrages.