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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/159

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pense !… » Le morceau est d’une ambiguïté extrême. On ne sait si « l’ambassadrice près de la nation » fait manœuvrer les patriotes par le don ou par la crainte de ses faveurs. C’était blesser la femme même, et dans ses centres nerveux les plus sensibles, la pudeur et l’orgueil. C’est le mouvement le plus fâcheux de Rivarol. Il en aurait eu du regret, comme d’une page mal écrite, tout au moins, s’il avait mieux connu cette femme si ardente et si franche en toutes ses passions[1]. Plus tard, sans devenir équitable, il se fera un peu moins injuste. On sent très bien que, en 1797, Rivarol, après avoir détesté Mme de Staël, ressent pour elle un commencement d’admiration. Il la sépare avec soin de Garat[2], autre écrivain en style poétique, mais du plus misérable.

Le Petit Dictionnaire est le pendant politique du Petit Almanach. Rivarol dit plaisamment dans la préface : « Je ne me suis pas dissimulé que j’avais un modèle inimitable dans l’Almanach des grands hommes de 1788. L’auteur de ce registre immortel a si bien varié ses éloges qu’il ne m’a pas laissé de formes nouvelles pour encenser mes personnages ;

  1. Elle est très bien dessinée, quoique au second plan, dans le même ouvrage de M. Herriot, qui est très bien documenté sur elle, aussi bien qu’il l’est mal sur Rivarol, d’ailleurs hors de son sujet.
  2. Lettre sur L’ouvrage de Mme de Staël intitulé « de l’Influence des Passions » ; 1797.