Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/17

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l’appelant, on ne sait pourquoi, car elle était fort honnête, la fille de brasserie, la belle Juive ! Une autre femme de lettres, c’était la cardeuse de matelas ; une autre encore, la poseuse de sangsues. Tout cela pour le plaisir de faire des mots, de dérouiller sa verve, muette depuis vingt-quatre heures ! Tout cela sans méchanceté foncière, tout cela par jeu, aiguisant ses griffes sur les réputations comme son chat les exerçait sur ses fauteuils et sur ses rideaux ! Je rapporte ces traits par amour de la psychologie et pour montrer la duplicité inconsciente de certaines natures. Mais ce que je sais en ce genre n’est rien auprès de ce qu’a retenu la mémoire de M. Octave Uzanne, qui fut très longtemps son ami. Si celui-là voulait parler, il nous donnerait un Huysmans qui étonnerait même ceux qui croient l’avoir très bien connu. Quel étrange caractère ! Au même moment qu’il couvrait d’injures intimes un de ses familiers, M. G. G…, il lui rendait les services les plus délicats !

On a tout dit sur la ressemblance de Huysmans avec un de ses personnages les plus curieux, M. Folantin. Au moment où je l’ai connu, Huysmans commençait à devenir le Folantin de l’Église. Il aimait à dénombrer les fraudes des matières sacramentelles, à énumérer les tares qui entachaient la beauté et la sincérité des cérémonies religieuses.