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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/173

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portable. Je le bourre d’esprit. » Il se laissait faire, et quand Rivarol le négligeait, il furetait partout et ramassait tout. Sa réputation était d’un bel esprit. On lui attribuait une grande partie des bluettes anonymes, des chansons, des épigrammes, et il acceptait, chargeant au besoin son épée de légitimer ces bonnes fortunes. C’est ainsi qu’il se battit avec le vicomte de Roncherolles pour une chanson du chevalier de Boufflers : « Je le trouvai dans son lit, dit le comte de Tilly, trouvant tout simple d’avoir un coup d’épée bien à lui pour des vers qui n’étaient pas de lui. » On dit qu’il poussa l’inconscience jusqu’à se laisser donner l’épigramme dont il était bien incapable :

Eglé, belle et poète, a deux petits travers.
Elle fait son visage et ne fait point des vers

Et Le Brun fut peut-être heureux d’être déchargé momentanément d’une méchanceté qui lui pouvait attirer quelques bons coups de bâton, le soir, quai de Conti.

Florian n’avait point d’épigrammes à se reprocher. S’il en avait fait, elles eussent sans doute été de celles dont Rivarol a bien voulu dire : « Ses épigrammes font honneur à son cœur. » Aussi tenait-il à ses moutons. « Un jour, raconte encore Tilly, il soutint à Florian qu’il avait fait je ne sais laquelle de ses romances. Nous nous promenions