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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/172

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de nos grands hommes, ce fut comme enquêteur. L’auteur des Gobe-Mouches courait dans tous les mondes et, l’un d’eux, se glissait partout : il put rapporter à Rivarol des anecdotes toutes prêtes à être dégrossies, puis acérées. On peut assurer, en tous cas, que si telles des six cent cinquante épigrammes du Petit Almanach sont de Champcenetz ce ne sont pas les meilleures : et puis, l’esprit de Rivarol est d’une telle qualité d’eau qu’on distingue très vite, même inexpert, ses diamants d’entre les petits cailloux où il les mêle (comme dans les Actes), et pareillement, les pierres de Champcenetz font des lueurs assez ternes dans la cassette de Rivarol.

Le Petit Dictionnaire des Grands Hommes de la Révolution ne doit pareillement rien de bon à Champcenetz, qui d’ailleurs n’a jamais compris la politique et n’y a vu que des jeux de mots. Rivarol, c’est l’ironie ; Champcenetz n’est jamais ironique, parce qu’il est toujours de niveau avec ceux qu’il raille. Très souvent même, il est plus bas, Rivarol regarde de haut et souvent de si haut que la victime en a un frisson. Voyez son mot à Pétion : « Est-ce que vous me méprisez, monsieur de Rivarol ? — Non, je ne m’en soucie pas. »

La vérité sur Champcenetz est dans la boutade de Rivarol : « C’est un gros garçon d’une gaîté insup-