Aller au contenu

Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/182

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en état d’admirer. Sous le prétexte qu’il ne veut de mal à personne, il déchire tout le monde, et n’a point pour ies sots cette indulgence réciproque qui maintient aujourd’hui l’union dans toutes les sociétés. Il a une contenance de bonheur et un élalage de santé qui rendent sa présence insoutenable. Il a beau éprouver des malheurs, son impudence est incorrigible, car il est aussi heureux par ce qu’on lui ôte que par ce qui lui reste… »

La Réponse aux Lettres sur le caractère et les œuvres de J.-J. Rousseau[1] n’est pas sans intérêt pour l’histoire des idées romantiques. On y voit qu’un homme d’esprit moyen, comme Champcenetz, s’il est charmé du romantisme passionné de Jean-Jacques, répugne au romantisme moral de Mme de Staël. L’idée que l’amour doit être une école de vertu semble bouffonne à ce bouffon, et c’est le bouffon qui verse la sagesse : « J’ai remarqué, dit-il, que toutes les fois qu’on a voulu raisonner sur l’amour, on a déraisonné… Les uns, en calculant ses dangers, en ont fait un vice ; les autres, en lui prêtant une morale, en ont fait une vertu, et tous ont prouvé qu’ils n’avaient jamais ressenti cedont ils parlaient-Mais, dans cette lettre, l’erreur est à son comble. On assigne à l’amour des vertus particulières,

  1. Bagatelle que vingt libraires ont refusé d’imprimer. Genève, 1789.