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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/186

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c’est-à-dire que les circonstances, à la fois tragiques et bouffonnes, lui permirent de donner libre cours à son double génie, si voisin de celui de Montesquieu : cherchant le matin les causes de la Révolution, il en écrivait l’histoire, et le soir il reprenait en ironies et en sarcasmes les motifs de ses méditations philosophiques. Ayant rédigé les feuillets de son Journal politique national, ce répertoire de la politique positive, il allait chez Mafs, au Palais-Royal, diriger ce cirque dont les acrobates s’appelaient les Apôtres, et lui-même parfois, pour mieux dresser sa troupe, exécutait, à la joie de tout le monde, quelque tour excellent. Il y avait là, chez ce restaurateur fameux, Mirabeau le jeune, Peltier, Champcenetz, Montlausier, beaucoup d’autres, et Artaud, qu’un mot de Rivarol empêchera de mourir. On prétend que les Actes des Apôtres se rédigeaient là, sur des coins de table, parmi les verres et que, la copie laissée sur la nappe, Mafs se payait en la portant chez Gattey, l’imprimeur. Cela a bien pu arriver une fois, mais les Actes contiennent autant d’articles sérieux que de pages bouffonnes, et ce journal se rédigeait sans doute comme tous les journaux, chacun écrivant chez soi ce qu’il devait écrire ; il n’y a jamais que le remplissage qui se bâcle à la dernière heure[1].

  1. Voir l’Observateur, mars 1790, le Rôdeur Français, no 10,