Aller au contenu

Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/201

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vant un des siens dans ce vieux Théophile de Viau, fut heureux. Soyons-le avec lui et reconnaissons que le lyrisme personnel, s’il est, comme le disent les néo-classiques, une dépravation de la poésie, est, du moins chez nous, une dépravation traditionnelle[1].

La Bruyère, dans son jugement, joint Théophile à Malherbe, preuve qu’à la fin du dix-septième siècle Théophile gardait encore son rang. « Ils ont, dit-il, tous les deux connu la nature. » Malherbe en aurait fait l’histoire et Théophile, le roman. Cela n’est plus très clair pour nous, qui avons vu tant de romanciers de la nature, infiniment plus romanesques que Théophile. Mais ne retenons que le premier terme. Théophile a connu la nature. Cela sera l’une de ses originalités. Non pas que l’intimité avec la nature soit rare à cette époque de la poésie française. Malherbe, Racan, Maynard, Saint-Amant lui-même sont des poètes de la nature et qui aiment les champs et les bois, les fleuves, la mer, mais Théophile a peut-être regardé les paysages d’un peu plus près que ses contemporains, D’un peu trop près, pensait La Bruyère : « Il s’appesantit sur le détail » ; d’assez près, dirons-nous,

  1. Ceci a été écrit avant que parût le Romantisme français, de Pierre Lasserre. Ce livre est remarquable, mais il n’a pas modifié mes idées.