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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/211

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THÉOPHILE ET LES JÉSUITES


Il n’y a pas très longtemps que le nom de Théophile de Viau, poète, l’émule et peut-être l’égal de Malherbe, a été réintégré dans l’histoire de la littérature française. Le procès stupide sous lequel il succomba, à l’âge de 36 ans, pesait toujours sur sa mémoire. Pendant plus de deux siècles, on le jugea comme ses ennemis, les Jésuites, voulaient qu’il fût jugé, comme un libertin grotesque et sale, comme un écrivain où le mauvais goût le disputait à l’impudence, comme le type, enfin, du poète ridicule. Boileau l’accabla de son mépris. Un instant, Voltaire, en quête des victimes du fanatisme religieux, sentit quelque pitié pour Théophile, mais cela fut bref, et le silence recommença. Théophile Gautier fut le premier qui lui rendit justice ; on réimprima ses œuvres, on étudia son procès, et l’on commença à comprendre qu’une double réparation était due à ce poète imprudent et brillant, à ce jeune homme hardi et sans hypocrisie. Elle vient de lui