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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/226

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Au sortir de leurs théâtres…

qui ne semble commentée et expliquée par la prose de Le Pays, où il est question des cabarets à la mode fréquentés par les élégants et leurs belles, mais Le Pays les qualifie d’un nom plus honnête que Saint-Amant.

Reste le Moïse sauvé. Loin de parfaire la réputation de Saint-Amant, ce poème l’a détruite. Il y avait là un petit problème que M. Émile Faguet a élucidé assez bien. « Saint-Amant, dit-il, n’eut qu’un malheur, celui, après avoir réussi trop tôt par des ouvrages secondaires, de faire attendre trop longtemps et de donner trop tard sa grande œuvre. Le Moïse parut en 1653, et c’était un poème dans le goût de 1630 ; et l’école de 1660 était déjà là toute prête à rejeter dans l’ombre les productions de la génération précédente… » Quand Saint-Amant se rendit à Varsovie par les Flandres, il fut arrêté par un parti d’ennemis et enfermé à Saint-Omer. Il emportait le manuscrit du Moïse, qui fut saisi et, sans le nom de la Reine de Pologne, que, dit-il, il invoqua, le Moïse sauvé devenait le Moïse perdu. — Et, du coup, Saint-Amant demeurait aussi célèbre, peut-être, que Mathurin Régnier. Les grandes œuvres sont le piège des poètes qui ne sont pas des génies de premier ordre : Ronsard y a échoué, comme Malherbe, comme La Fontaine. Il s’en est