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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/225

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Saint-Amant disparu, on ne reverra plus cela : la poésie va devenir raisonnable, ce qui est sa manière de perdre toute raison d’être.

Rome ridicule et l’Albion sont des satires, que le mauvais goût dépare. La première se ressent de Scarron, qui contaminait tout. La seconde est curieuse par la description bouffonne qu’on y trouve des mœurs anglaises. On y découvrirait, en lisant sous les mots, une allusion certaine aux drames de Shakespeare qui se jouaient à la date de l’Albion. A ce titre, c’est un petit document, plus ethnique que littéraire, à mettre à côté de la lettre de René Le Pays sur le même sujet : « Les poètes anglois, pour flatter l’inclination de leurs spectateurs, font toujours couler du sang sur leur théâtre, et ne manquent jamais d’orner leur scène des catastrophes du monde les plus cruelles. Il ne se joue pas une pièce qu’on n’y pende, qu’on n’y déchire, ou qu’on n’y assassine quelqu’un. Et c’est à pareils endroits de leurs comédies que les femmes battent des mains et éclatent de rire… » Le parallélisme avec l’Albion est des plus curieux et en confirme l’exactitude, car le poème de Saint-Amant est resté inédit jusqu’en 1855, cependant que le poète était mort avant la publication d’Amitiés, Amours et Amourettes (1664), où se trouve cette jolie lettre. Il n’est pas jusqu’à la strophe de Saint-Amant,