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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/229

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du Leconte de Lisle. Mais que n’a-t-il préfiguré, ce poète protée ?

Les Visions ne sont-elles pas du genre le plus fiinèhre et le plus fantastique ? Et sa Rome ridicule, hélas ! ne sont-ce point déjà les spirituels blasphèmes d’Orphée aux Enfers ?

Quand on est entré dans la voie des comparaisons littéraires, on irait loin, si le bon sens ou le goût ne vous arrêtaient. Pourquoi n’avouerais-je pas, cependant, que la trente et unième strophe du Contemplateur me rend moins obscure la célèbre énigme de Stéphane Mallarmé : Tonnerre et rubis aux moyeux. M. Faguet a commenté cette strophe dans un sens qui ne contredit pas mon sentiment. Saint-Amant ne peut donc plus, je pense, après ce que l’on vient de lire, nous apparaître comme « tout à fait caduc », selon l’expression malheureuse de Sainte-Beuve.

Il me semble, au contraire, singulièrement remuant et très propre encore à donner à ceux qui écrivent en vers des leçons de netteté, de pittoresque et de force. La force est ce qui domine en lui. Son vers est robuste. On ne trouvera de mièvrerie dans Saint-Amant qu’au poème de Lydian et Sylvie, qu’il faut tout de même lire comme exemple d’une des phases de son talent. Partout ailleurs, il est l’homme qui affirme. Son poing, plus d’une