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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/246

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que la tradition nous a légués. Pourtant, comme il juge cavalièrement La Fontaine et qu’il apprécie Pascal sans marquer d’enthousiasme, M. Monmerqué a relevé qu’au moment où rédigeait des Réaux, La Fontaine n’avait pas publié ses Fables et que les Provinciales n’étaient point encore données à Pascal. C’est une erreur en ce qui concerne Pascal, car Tallemant écrit : « C’est lui qui a fait ces belles lettres au Provincial que toute l’Europe admire et qie M, Nicole a mises en latin. Longtemps on a ignoré qu’il en fût l’auteur ; pour moi, je ne l’en eusse jamais soupçonné, car les mathématiques et les belles-lettres ne vont guère ensemble. Ces messieurs du Port-Royal lui donnoient la matière, et il la disposoit à sa fantaisie. » M. Monmerqué n’a pas trouvé l’éloge assez vif. C’est qu’il était lui-même un janséniste frénétique. Tallemant des Réaux, cependant, était protestant.

Il était protestant, et on s’étonnerait, après cela, sans soulever de surprises, de la verdeur de ses écrits ; mais au dix-septième siècle l’esprit protestant n’existait pas en France. D’Aubigné l’avait déjà démontré, car chez lui la haine du papisme s’alliait fort bien aux goûts les plus rabelaisiens. Les protestants, au temps heureux de des Réaux, n’avaient pas encore imaginé de feindre une austérité de mœurs, de paroles et d’écrits, destinée à prouver