Aller au contenu

Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/249

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tions ou les précisions religieuses, ne persécuta jamais les libres penseurs, que, de son temps, on appelait les libertins. Connaît-on cette anecdote rapportée par Chamfort dans le Mercure de France de 1789 ? « Le duc d’Orléans, allant, en 1706, commander l’armée d’Italie, voulut emmener avec lui Augrand de Fontpertuis, homme de plaisir et qui n’était pas dans le service. Le roi, l’ayant su, demanda à son neveu pourquoi il emmenait avec lui un janséniste. Lui, janséniste ? dit le prince. N’est ce pas, reprit le roi, le fils de cette folle qui courait après Arnaud ? J’ignore, répondit le prince, ce qu’était sa mère, mais, pour le fils, je ne sais s’il croit en Dieu. On m’avait donc trompé, dit le roi, qui laissa partir Fontpertuis. » Cette anecdote, qui a été recueiliie par divers auteurs, notamment par Saint-Simon, fait comprendre pourquoi Louis XIV fut toujours le protecteur déclaré de Molière. Il aimait les libertins, parce qu’il savait qu’il ne trouverait pas en eux des censeurs de sa vie privée, et il écartait les gens d’Église, qu’il avait toujours peur de voir s’interposer entre lui et ses maîtresses. Ils étaient pourtant bien complaisants et Bossuet, tout le premier, faisait assidûment sa cour à madame de Montespan. N’importe ; cette complaisance même était grosse de reproches muets, et elle pouvait cacher des pièges. Cela dura jusqu’au règne de la