Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/260

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possèdent désormais chacun une partie des Fables. C’est le premier livre qui est monté le plus haut. Le dernier, quoiqu’on lui ait adjoint Philémon et Baucis, a eu un succès moindre. Aussi son acquéreur se flatte-t-il d’avoir fait une excellente affaire.

Les Fables de La Fontaine restèrent en cet état pendant une vingtaine d’années et leur vogue était devenue telle que chacun des livres séparés rapportait autant, aux libraires qui les exploitaient, que l’ensemble trente ans plus tôt. Vers 1770, la librairie Delalain, qui possédait le douzième livre, parvint à acquérir aussi la propriété des neuvième, dixième et onzième. Un peu plus tard, le libraire Panckoucke, disposant de capitaux considérables, réussit à mettre la main sur tous les autres livres, moins les trois premiers. On sait que Delalain et Panckoucke firent des fortunes énormes : telle en fut l’origine. Le sort des trois premiers livres de ces Fables, de plus en plus populaires dans le monde entier, fut très différent : ils furent encore morcelés ! Des poèmes tels que la Cigale et la Fourmi, le Corbeau et le Renard, et beaucoup d’autres, tombèrent, par suite de partage, entre les mains de gens avisés qui en tirèrent de gros revenus. En 1780, le Meunier, son fils et l’âne rapporta plus de cent mille livres à un petit libraire de la rue Saint-Jacques. Vint la Révolution…