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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/263

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Napoléon Ier, qui ne doutait de rien, avait résolu d’avoir deux Panthéons, l’un destiné aux gloires militaires, l’autre aux gloires civiles. La Madeleine, dont la construction s’achevait, fut destinée à l’armée ; le Panthéon actuel fut réservé aux autres gloires. Mais après les militaires, Napoléon n’estimait guère qu’une sorte d’hommes, les administrateurs, si bien que son Panthéon civil devint, par ses ordres, le refuge des anciens préfets et des sénateurs défunts. La liste des grands hommes que Napoléon fit inhumer au Panthéon est comique : Choiseul-Pralin, Resnier, Petiet, Béguinot, Saint-Christau, Durazzo, Malher, Cabanis, Winther, Sers, Champmol, Galles, Songis, Hain, Jean Rousseau, Le Paigne, Viry, Demenier, etc., presque tous sénateurs. Ajoutons y trois cardinaux, Mareri, Ferskine, Caprara, et un ancien notaire, le sieur Bévière. Le gouvernement de la Restauration, qui usa aussi de ce Panthéon grotesque, y enfourna les nommés Walther, Legrand et Thévenard. Ces bonshommes sont toujours au Panthéon, à côté de Voltaire, qui doit bien ricaner, et de Victor Hugo, fort indigné. A part Cabanis, qui est un esprit supérieur, mais qui n’est là qu’à titre de sénateur de l’empire, tous ces défunts devraient être intégrés au Père-Lachaise ou au champ des navets. Ils rendent ridicules un Panthéon, en même temps qu’ils sont une épigramme contre le génie