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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/282

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vient à Genève, et on dirait qu’il est tombé en plein enfer, mais dans un enfer grotesque, un enfer à la fois comique et douloureux. D’abord, pourquoi est-il venu à Genève ? Il n’en sait rien. Mais ce qu’il sait, c’est que ce fut une bien mauvaise inspiration, car Genève est une horreur, une médiocre ville triste et noire. Ce n’est pas l’impression, certes, que Genève donne à ses visiteurs ordinaires, mais Dostoïevski est malade : il a des crises presque chaque semaine et de continuelles palpitations de cœur. Alors il voit en malade, il sent en malade, et Genève devient pour lui la « cité maudite ». Quant aux Genevois, il affirme qu’ils sont atteints d’une bêtise particulière, la bêtise de l’homme toujours content de tout et de lui-même. Cela irritait Dostoïevski, qui était atteint, non pas de cette sorte de bêtise, mais de la maladie contraire. Ici, dit-il, tout est vilain, tous est pourri, tout est cher, tout est absurde. Dégoûté de Genève, il va à Vevey, mais Vevey, qui est pour tout le monde une charmante station d’automne, lui semble pire encore que Genève. Là encore, il ne rencontre que laideur, malhonnêteté, bassesse, bêtise et saleté. Après la Suisse, l’Italie. Milan lui paraît sombre et ennuyeux, et Florence ne le satisfait pas davantage. C’est une ville assez belle, mais trop humide. II faisait trop froid à Genève ; à Florence, il fait