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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/291

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gine : tous furentd’abord des surnoms empruntés au métier, au caractère, à quelque particularité physique de l’individu. Jadis, on portait bien plus gaillardement que maintenant des noms singuliers et même grossiers. Les anciens Romains ne rougissaient nullement de s’appeler Porc, Truie, Veau, Glouton, Ane, Cheval, Bouc, Taureau, Voleur, Louche, Cagneux, Tortu, et de beaucoup d’autres noms aussi peu agréables. Au moyen-âge, et encore jusqu’à la fin de l’ancien régime, les noms grossiers abondaient également en France : il en est un certain nombre que l’on ne pourrait plus guère écrire aujourd’hui. Ils ont presque tous disparu, après requête au garde des sceaux et jugement conforme. Le Bottin, cependant, en recèle encore quelques-uns que je ne me charge pas de transcrire.

Il y aurait un avantage à traduire les noms étrangers, c’est que du moins on ne les écorcherait plus. Le nom de Carducci a souvent été prononcé ces temps derniers, mais combien lui ont donné sa véritable forme, quelque chose comme Cardoutche ? La Convention, voulant honorer Schiller, le proclame citoven français sous le nom de M. Gilles. Quand nous prononçons Schiller à la française, nous sommes aussi ridicules et pas plus près de la vérité que la Convention et son Gilles. Au dix-septième siècle, on les écorchait terriblement, les pauvres