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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/292

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noms étrangers, si bien que Buckingham devenait Bouquaincant. D’autres fois, on adoptait le système dont nous avons donné, par jeu, quelques exemples ; on traduisait. Un auteur italien, un sieur dell’ Orto devint M. du Jardin ; Campanella était travesti en M. Clochette ; Bossuet lui-même appelle Fontaine le général espagnol Fuentes, qui fut tué à la bataille de Rocroy. Ce système, nous l’avons conservé pour certains peintres et certains écrivains italiens, probablement à cause de la grande familiarité que nous avons toujours eue avec l’Italie : c’est une ancienne amie que nous admettons dans notre intimité.

C’est à l’Italie, et aussi à l’Angleterre, que les Romantiques empruntèrent les pseudonymes dont ils aimaient à se masquer. Stello ou Stella, Trick ou Nick, Marcello, Stenio. De nos jours encore, voici des Angelo et des Bruno, des Mario ; Stello, Stella et Marcello fonctionnent toujours ; ce sont des pseudonymes immortels ; on se les repasse de génération en génération. Jadis, on se travestissait en latin. Ce genre de masque devient rare et je n’en connais aujourd’hui guère qu’un seul, Carmen Sylva. Quelques-uns des écrivains contemporains les plus connus signent d’un pseudonyme, et le public ne s’en doute pas. La littérature française est d’ailleurs pleine de pareils déguisements, depuis Voltaire jusqu’à Anatole France. Ajoutons, pour en