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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/301

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l’humble sérénité de son existence solitaire, et il sait que tout est inutile, hormis de vivre sa vie. Il se fit ermite, un jour, il sera donc ermite, sans plus se soucier des rêves, des désirs et des folies des hommes. Le sentiment de la vanité universelle sera sa consolation et il restera enfin lui-même, le pauvre homme nu ou neutre qui mourra de faim ou de vieillesse sous l’œil des chacals et sous le vol des vautours.

Tous les livres de Flaubert finissent ainsi, dans la morne résignation d’un scepticisme triste. Ils seraient une école de découragement, si l’homme pouvait se décourager de la vie avant d’en avoir épuisé tous les espoirs. Il ne faudrait pas, cependant, en les faisant lire aux jeunes gens, leur en expliquer trop clairement le sens véritable. Je pense qu’il vaut mieux les présenter comme des œuvres comiques ; et c’est ainsi que les prennent naturellement les intelligences saines et les sensibilités normales. On doit y voir surtout un tableau symbolique des ambitions de l’humanité, qui ont toujours été supérieures aux possibilités réelles, mais en se disant que le possible n’est accessible qu’à travers l’impossible et que pour réaliser une chaumière au bord d’un ruisseau, il faut peut-être rêver du vaste domaine dont les terrasses dominent au loin les tournants du fleuve. S’il n’avait point subi les attraits douloureux de ses tumultueuses visions,