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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/315

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regarde pas, ne faisant point partie de ce groupe, ce qui me laisse une liberté qui a son prix.

Donc, la séance étant ouverte, la séance de ce petit congrès intitulé bleu vilainement antipornographique, M. l’éminent Barboux, vieillard d’une vénérabilité extrême, prit la parole et, je copie dans un journal de grand format et de grande piété, se mit à « retracer les progrès de l’immoralité chez les peuples qui ignorèrent ou méconnurent les vérités chrétiennes ». Ainsi, dès l’abord, le caractère de la réunion fut nettement fixé. Il s’agissait, et bien naïf qui en eût douté, de faire, une fois de plus, sous prétexte de salubrité publique, triompher le moralisme chrétien, la vertu chrétienne, la « vérité chrétienne ». Si nous donnions tout de suite, comme sous la Restauration, le droit de censure préalable à messieurs les ecclésiastiques ? La question se trouverait résolue et la « vérité chrétienne » pourrait, tout à son aise, prendre ses ébats. On réimprimerait, enfin ! les œuvres de Fénelon, qui sont édifiantes, encore que Télémaque paraisse, à l’éminent académicien, un peu vif. La grotte de Calypso lui est suspecte. Hélas ! il se passe fréquemment, dans les grottes tapissées de vigne, quand une jeune femme s’y égare suivie d’un soupirant, des choses que la morale chrétienne réprouve, des choses auxquelles