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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/318

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est inconnue. On vend fort peu de livres en France. Hormis pour tel ouvrage qui aura un succès exceptionnel, il semble qu’il n’y ait pas plus, pour la littérature d’imagination, de deux ou trois mille acheteurs, toujours les mêmes. Ces gens, blasés sur tout, cherchent dans un roman, non pas la solution d’une question de morale, mais un simple intérêt de lecture. Si le livre est pornographique, à peine s’en aperçoivent-ils ; ils en ont lu bien d’autres. J’ai, pour ma part, entr’ouvert bien des publications réprouvées par M. Bérenger et je n’y ai jamais trouvé que des platitudes. Quant aux images dénoncées sous les mêmes prétextes, les collégiens ne les regardent même plus. La liberté, ici comme en tout, a fait son œuvre. M. Bérenger retarde. Il se croit en pleine crise pornographique, et c’est au contraire une période d’apaisement. Les petites curiosités vicieuses sont découragées par la multiplicité même des occasions. Une femme facile peut mettre le feu dans une petite ville endormie : la cohue des femelles du boulevard des Italiens, à neuf heures du soir, incite plutôt à la vertu.

Et puis, mais la question est plus aisée à poser qu’à résoudre, la pornographie, où cela commencet-il ? Il faut prendre bien garde de ne pas se tromper. La magistrature, qui se souvient de Flaubert, de Baudelaire, de Barbey d’Aurevilly, des Goncourt,