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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/319

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demande à réfléchir quand on lui dénonce une œuvre qui paraît aujourd’hui licencieuse. Le paraîtrat-elle encore demain ? On répond que le pornographe se reconnaît à ce qu’il n’a pas de talent. Soit, mais vous reconnaissez donc à l’écrivain de talent le droit d’être licencieux ? Si c’est un crime social de ne pas avoir de talent, ce pourrait aussi être un crime d’être sans beauté. Reconnaîtrons-nous aux jolies femmes le droit aux mauvaises mœurs ?

Posons donc le principe qu’en ces matières le seul juge loyal, non suspect, c’est le public. A lui de déserter les théâtres où le spectacle est indécent. A lui de mener à la misère les auteurs et les libraires pornographiques. Les procès, les congrès et les discussions que cela entraîne dans la presse ne servent, au contraire, qu’à leur faire gagner de l’argent. Cela éveille des curiosités qui ne demandaient qu’à sommeiller. Les innocents moralistes chrétiens, en se réunissant pour dauber la pornographie, ont fait à cette industrie une réclame gratuite immense. Pour mieux combattre ce qu’ils appellent une calamité, ils commencent par en multiplier les effets. Ils donnent au collégien qui l’ignorait l’adresse de la mauvaise maison en lui recommandant bien de n’y jamais entrer.