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Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/32

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ceux d’autrefois et ceux d’aujourd’hui, en ce sens qu’il ne comprenait que la vie de l’esprit, qu’il ne s’intéressait pas aux hommes, mais seulement aux œuvres.

Il y a cependant, parmi ses ouvrages, deux volumes intitulés Essais et Nouveaux essais sur la littérature contemporaine, mais il ne faudrait pas chercher sous ces titres un tableau, même fragmentaire, du mouvement littéraire tel que nous le sentons, tel que nous le vivons : la vraie littérature contemporaine, avec ses fièvres, ses naïvetés, ses audaces, son incohérence, si l’on veut, mais curieuse et passionnante même, M. Brunetière l’a ignorée. Son goût l’a toujours porté vers l’œuvre raisonnable, convenable, vers les sages imitations des œuvres sages. Si, par hasard, il ose s’arrêter devant un livre qui semble contrarier la tradition, ses préoccupations de moralité l’empêchent d’y trouver du plaisir. Comme il a, tout de même, un certain sens de l’art, il admire ; mais la morale l’emporte, et il condamne. La timidité de Sainte-Beuve était souvent hypocrite ; la sienne est foncière et d’ailleurs logique, en parfaite harmonie avec ses principes. Dans un de ses livres pourtant, il serra de près la réalité littéraire contemporaine, dans celui qui s’intitule le Roman naturaliste. Comme j’en goûtai, en ce temps-là, l’âpre injustice ! Je me