Aller au contenu

Page:Gourmont - Promenades littéraires, sér3, 1924.djvu/34

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bien de prendre telles intentions pour des œuvres, il découvre volontiers des origines inattendues et même lointaines à des conceptions que l’on aurait crues plus neuves. Ensuite, se pose devant son esprit la question de hiérarchie, qui a pour lui une importance capitale ; il déclasse, il reclasse avec un soin qui n’est pas sans faire sourire : il aurait été capable de nous dresser le palmarès de la littérature française, depuis le premier prix jusqu’au cinq centième accessit. On suppose même qu’il avait lu tous les ouvrages dont il cite les titres : plus de la moitié de sa vie dut se passer en lectures sérieuses, en lectures voulues, de celles que l’on fait en prenant des notes, en revenant en arrière pour conférer deux idées données par des passages différents. Une de ces études hiérarchiques, qui n’a pas trente pages, contient les titres de cinquante-cinq pièces de théâtre : c’est accablant. L’érudition de M. Brunetière n’est pas bénigne. Dirai-je que c’est du pédantisme ? Non, c’est plutôt de la précision excessive. Il veut à chaque pas donner ses preuves : c’est aussi de la conscience. Munis de cet appareil, si ses jugements ne satisfont pas les justiciables, ils satisfont le juge : M. Brunetière épuise la matérialité des questions. Pour les reprendre après lui, il faudrait s’abstraire de toute érudition ; ce serait une méthode très différente, plus